.
Apollinaire - Cortège
Agollinaire - Alcools - Cortège - étude et analyse
Vers 48 à 69
Vers 48 à 69
Introduction
Après sa rupture avec Annie Playden, Apollinaire a éprouvé pendant un temps des difficultés à écrire. Puis peu à peu son
ambition littéraire s’est ranimée ainsi que le sentiment d’être deverifi plus fort en dépit de ses échecs amoureux. De cette
régénération, sa poésie a gagné en authenticité : Apollinaire est passé par l'expérience et ses textes ont cessé de n’être
quîntellectuels pour prendre un aspect plus personnel. Désormais, le poète parle à la première personne. De même, ce retour
à la vie lui permet d’introduire un thème qui devient capital dans le recueil : celui du phcenix c’est à dire celui de l'éternel
recommencement, de Pétemelle régénération.
« Cortège » a été publié en 1912, mais on en trouve une première version très parcellaire qui date de 1906. La partie que nous
étudions se présente en un seul et long paragraphe suivi d’un autre plus court. En réalité, l'organisation des rimes et la
thématique nous permettent de déduire quatre quatrains des vers 48 à 63 avec le plus souvent des rimes suivies. Puis on a un
distique vers 64-65 et à nouveau un quatrain des vers 64 a 69. La plupart des vers sont des alexandrins, même si on relève
quelques octosyllabes, ainsi que quelques vers cle 13 ou 14 syllabes. Finalement, en dépit d’une apparence d‘écriture très
libre, ce texte reste relativement traditionnel dans sa métrique.
l) Un poète en quête de lui-même
1) Un corps que !’on bâtit peu à peu
La quête de soi du poète commence avant tout par la quête de son corps. Ainsi voit-on peu à peu dans le texte le corps du
poète être reconstitué par ceux qui en amènent les différents éléments « les morceaux >> v.62. Noter l'alliteration en [m] dans
le vers qui lui confère une hamionie.
Au v.55, on note d’abord « sang de mes veines » et << battre mon coeur». Ensuite au v.59 on relève « leur bouche» à propos
des peuplades qui enseignent au poète un langage nouveau (? à sa bouche à lui). Enfin les vers 60 et 65 font référence au <<
corps >> globalement. Au final, c’est le poète qui apparaît << je parus moi-même » v.64.
On note un mouvement qui va de l'intérieur du corps (le sang, le cœur, les veines) vers Vextérieur (le corps) et du «
parcellaire >> (les organes) au général (l’être entier).
On remarque aussi que ce sont des parties << nobles » du corps (le sang, le coeur, la bouche) qui à chaque fois sont décrites.
Nous avons donc la description d’un corps qui, de par sa symbolique, semble définir un poète (le sang, le cœur '?
Vinspiration, les sentiments ; la bouche 7 le sens du langage de la poésie).
2) Ualchimie de la transformation
Au v.48 et 49 le poète se nomme lui-même dans sa poésie ce qui donne au texte un ton très personnel : << moi-même » «
Guillaume». Ce dédoublement de soi apparaît deux fois dans Fensemble du poème [cf v.21]. Le tout semble une incantation
magique comme le signe d’une éternelle quête de soi, d’un renouveau sans cesse invoqué.
Au v.54 Popposition oxymorique « les clartes de ses profondeurs » a propos de la mer paraît énrange. Cependant on peut en
donner une interprétation si l’on remarque que cette image est associée dans le vers suivant au sang du poète << coulait sang
de mes veines ». Uassonance en [] << mer », << coulait », << veines >> renforce l’unité thématique. Comme la mer, le sang du
poète est à la fois lie à Pobscurité (il coule au plus profond du corps) et à la clarté (sa couleur rouge rappelle le feu). Cela
renvoie à l’idée des alchimistes pour qui une régénération s’effectue d’abord au plus profond de soi, dans le plus sombre
avant de paraître au grandjour. Chez les alchimistes, cette opération s’appelle l’oeuvre au rouge : c’est celle qui demande de
chauffer « au rouge » le métal sombre, comme le soleil rouge doit succéder à Fobscurité. C’est également l’idée contenue
dans le mythe du phœnix qui renaît du feu purificateur (? la vie, la clarté sort de Pobscurité).
Le symbole de la rose v.57 est lié lui aussi à l'alchimie. Apollinaire associe le plus souvent cette fleur à la lumière [cf p.l 17
<< et les roses de l'électricité »] mais c’est aussi le symbole du monde [cf << Rosemonde p.88]. Si les peuplades apparaissent
une rose à la main, c’est un signe positif d’espoir, cela connote la lumière et la richesse du monde.
3) Un dieu en formation
ll semble que peu à peu au fil du poème, les peuples décrits par le poète, et qui reconstituent son corps, soient en fait en train
d’ériger une sorte de divinité. C’est ce que l’on peut interpréter notamment aux v.63/64 : le poète semble être une statue que
les peuples auraient érigée comme le souligne le champ lexical de la construction « bâtit », << élève », << tour ».
En fait le mouvement était déjà annoncé au vers 53 avec l'évocation de tours comme des îles. l'ensemble se situe en
contraste avec la profondeur des villes des géants mais rejoint le double mouvement que nous avons déjà étudie’ de la
profondeur qui mène à la clarté ou, comme ici, qui mène a l'élévation divine. ll semble donc que le poète soit à image de la
tour ou de l’île, élevé au-dessus des hommes, par les hommes eux-mêmes comme on élève la statue d’un dieu païen.
l/isolement du poète vis à vis du reste des hommes apparaît aussi une image commune à la tour et à l‘îlc. évocation des <<
dieux >> v.66 au pluriel confirme interprétation païenne.
Quant au v.60, il fait référence au titre par évocation du << cortège », Ce terme possède bien entendu une connotation
religieuse. Il s’agirait ici d’une religion païenne peut-être fondée sur la philosophie unanimiste liée à la quête de soi-même, de
son identité et de sa relation au monde. En effet, Apollinaire devenu incroyant semblait s’être fait de unanimisme le
fondement de sa croyance nouvelle.
ll) Evocation de la richesse du monde
l) La diversité des hommes
Le texte v.64 évoque des peuples merveilleux qui semblent issus de légendes et révèlent la richesse de imaginaire du poète.
On relève ainsi au v.52 << Les géants couverts d’algues » et au v.56 << mille peuplades blanches » dont la connotation tribale
s’oppose aux géants «dans leurs villes » du v.52.
Leurs habitats relèvent aussi de imaginaire merveilleux puisqu’ ils sont tantôt issus de profondeurs << sous marines » V53
tantôt issus de la Terre << Puis sur terre >> vr5ó _
On note toutefois que le poète apparaît étroitement relié à ces hommes, v.50, même si ce lien apparaît limité, v.5l et 61. ll
semble que le texte se réfère ici encore à la philosophie unanimiste et a cette recherche de réunification de soi au reste du
monde. Si le poète a conscience de la différence qui le sépare des autres hommes, il a plus conscience encore de ce qui les
unit : chacun existe par la conscience de autre << ceux quej’aime ».
[<< unanimisme » est une théorie littéraire et philosophique dont Jules Romains est Finitiateur. ll s’agit de la notion de
conscience collective. Uidée lui étant venue un jour dans Paris, il l’appela « Villumination de la rue d’Amsterdam ». A ce
moment, il eut Fintuition qu’il existait une relation de nécessité dans tout ce qu’il voyait et cette relation était la conscience
que lui avait du tout. Au delà de individu il existerait donc des groupes plus ou moins complexes, des âmes collectives. Par
exemple, la ville serait l’une d’elles, Cela correspondrait donc à un dépassement de la vie individuelle]
2) Un enrichissement mutuel
Le poème marque le conscience d’un lien entre intérieur et extérieur. Cette interdépendance doit conduire à universalité
du poète ? celui-ci se définit autant par ce qui est en lui que par ce qui lui est extérieur << cette mer coulait sang de mes veines
>> v,54-55. _
On remarque aux v,6l-63 que le poète ses construit grâce à intervention des autres hommes, lJidée contenue dans cette
image signifie peut-être que ce sont les autres qui nous donnent la vie par la regard qu’ils portent sur nous. En fait, nous
n’existons que dans la mesure où les autres nous font exister dans leur conscience. Cela signifie aussi que pour que le poète
existe en tant que tel, il doit prendre les éléments de la vie des autres, dans un mouvement continu d’échange,
Uenrichissement mutuel s’opère aussi sur un autre plan : celui de Péchange. Ainsi aux 158-59, Apollinaire évoque un
langage parlé par les peuples qui défilent et que le poète apprend grâce à eux. On peut dire que les hommes sont eux aussi des
créateurs, des dieux puisqu’ils ont le pouvoir de créer un nouveau langage. Cela signifie aussi que le poète, dieu du langage
trouve son pouvoir de création grâce au monde extérieur.
Ainsi, ce poète que l’on a bâti « comme on élève une tour » nous renvoie par connotation à la tour de Babel. Le poète
symbolise bien ambition des hommes à s’élever, à atteindre le divin et a rendre compte de toute la-diversité des hommes et
de leur langage.
3) Le paradoxe du temps
extrait du poème étudié commence comme s’il s'agissait d‘un récit v.48 << Un jour », Cependant, la réflexion sur le temps
contenue dans le poème ne va pas sans poser problème,
Tout d’abord, on peut être surpris par l’emploi irrégulier de temps grammaticaux aux v.55 et 65 qui gênent la compréhension
du texte.
Ensuit, on remarque que le poème fait référence au temps aux vers 66-67 de manière négative : « trépassé », On note aussi le
jeu de mots << passé/trépæsés >> qui renforce Fimage. Uensemble du quatrain se trouve rythmé par Pemploi successif des
mots << passé » v.66 << passent, passâtes >> v.67 « passé >>v.69. En réalité, lejugement porté sur le temps est de deux natures
différentes selon que le poète évoque l’avenir ou le passé. Autant l’avenir lui paraît inutile v_68 « ce vide avenir» (noter
Pallitération en [v] et Fassonance en []) autant le passé lui semble prometteur vers 69 « je vois le passé grandir». Ainsi,
Apollinaire développe l’ide’e paradoxale d’un passé plus vivant, plus riche que avenir.
On relève le champ lexical du regard dans ces derniers vers : v.68 << mes yeux >> ; v,69 <<je vois ». (N.B. : le v.67 «je ne vis »
provient du verbe vivre et non voir. Cependant ambiguïté phonétique renforce Fidee du regard du poète.) Ainsi le poète
apparaît comme un « voyant», un prophète non de avenir mais du passé.
contenue dans le poème ne va pas sans poser problème,
Tout d’abord, on peut être surpris par l’emploi irrégulier de temps grammaticaux aux v.55 et 65 qui gênent la compréhension
du texte.
Ensuit, on remarque que le poème fait référence au temps aux vers 66-67 de manière négative : « trépassé », On note aussi le
jeu de mots << passé/trépæsés >> qui renforce Fimage. Uensemble du quatrain se trouve rythmé par Pemploi successif des
mots << passé » v.66 << passent, passâtes >> v.67 « passé >>v.69. En réalité, lejugement porté sur le temps est de deux natures
différentes selon que le poète évoque l’avenir ou le passé. Autant l’avenir lui paraît inutile v_68 « ce vide avenir» (noter
Pallitération en [v] et Fassonance en []) autant le passé lui semble prometteur vers 69 « je vois le passé grandir». Ainsi,
Apollinaire développe l’ide’e paradoxale d’un passé plus vivant, plus riche que avenir.
On relève le champ lexical du regard dans ces derniers vers : v.68 << mes yeux >> ; v,69 <<je vois ». (N.B. : le v.67 «je ne vis »
provient du verbe vivre et non voir. Cependant ambiguïté phonétique renforce Fidee du regard du poète.) Ainsi le poète
apparaît comme un « voyant», un prophète non de avenir mais du passé.
Conclusion
l'ensemble de extrait étudié se signale par une grande harmonie sonore et une relative régularité métrique. Cela donne au
texte une tonalité globalement paisible et optimiste.
ll est certain cependant que ce poème relève d’une thématique complexe dont le sens nous échappe toujours en partie. On
peut cependant y voir entreprise orphique du poète c'est a dire une tentative de définition de la poésie comme une opération
mystique de reconstruction du passé.
Le but est alors de remplacer le discontinu du temps par du continu. Le moi prophétique d’Apollinaire finit par contenir le
monde entier et donne aux autres la possibilité d’exercer leur propre divinité. On y relève la figure de celui qui cherche à
s’élever et qui en dépit de Vechec momentané témoigne du rite initiatique de l'effort.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire